Vendredi et samedi derniers, les 21 et 22 juin 2019, le Centre des Sciences du Planétarium (Bibliothèque d’Alexandrie, Egypte) a organisé un événement d’ampleur autour des mesures du Solstice d’Été du projet « Sur les pas d’Ératosthène ».
Le but ? Associer des élèves du monde entier pour participer à une mesure collaborative du tour de la Terre, selon l’idée du savant grec qui, il y a plus de 2200 ans, a été le premier à proposer cette méthode simple et originale pour mesurer la taille de notre planète !
Découvrez ici le projet et l’événement !
Le projet « Sur les pas d’Ératosthène »
Depuis près de 20 ans et dans le monde entier, des milliers d’élèves de 8 à 14 ans coopèrent pour mesurer le tour de la Terre depuis leur classe. Comment ? En mesurant l’ombre d’un bâton vertical (un gnomon) à midi au soleil, puis en échangeant leurs résultats avec d’autres classes via Internet pour un travail de mathématiques ! Par là, ils apprennent à observer les ombres et le mouvement du Soleil dans le ciel, et à construire leurs propres instruments de mesure. Consultez ici le site du projet en français.
Les observations d’Ératosthène
En 205 avant J.C., le grec Ératosthène, alors Directeur de la Grande Bibliothèque d’Alexandrie en Egypte, propose une méthode purement géométrique pour mesurer la longueur du méridien terrestre (circonférence passant par les pôles).
Il va partir de l’observation d’ombres portées faites en deux lieux, Alexandrie et Syène (aujourd’hui Assouan), éloignés d’environ 800 km (distance estimée d’après le temps mis par des caravanes de chameaux pour relier ces deux villes !), au moment du solstice d’été et à l’heure du midi solaire local. Ce jour-là et à cette heure précise dans l’hémisphère Nord, le Soleil occupe, de tous les jours de l’année, la plus haute position au-dessus de l’horizon. Néanmoins, Ératosthène remarque des différences d’un lieu à l’autre…
A Syène (Assouan, à peu près située sur le tropique du Cancer) le Soleil est à la verticale, si bien que ses rayons pénètrent jusqu’au fond des puits ; quant aux ombres portées des objets verticaux, elles sont parfaitement centrées autour d’eux.
Par contre, à Alexandrie, le Soleil n’est plus à la verticale et ces mêmes objets ont une ombre décentrée, très courte. Ératosthène va mesurer l’ombre d’un obélisque dont il connaît déjà la hauteur, et il va en déduire l’angle que font les rayons solaires avec la verticale : il trouve 7,2°
A partir de toutes ces observations, deux hypothèses s’offrent à lui :
La Terre est plate, mais alors, le Soleil serait suffisamment proche pour que la divergence de ses rayons atteignant des objets éloignés soit significative : en effet, les objets de longueur identique ont des ombres de longueurs différentes et pas d’ombre du tout à l’aplomb du Soleil (angle nul).
La Terre n’est pas plate, sa surface est courbe, et peut-être même sphérique. Seulement, les mêmes résultats peuvent être obtenus avec des rayons solaires tous parallèles : cela implique que le Soleil soit suffisamment éloigné, très, très éloigné…
Ératosthène opte pour la seconde hypothèse. En effet, les Anciens soupçonnent déjà que la Terre n’est pas plane, cela à partir d’observations diverses prouvant une certaine courbure de sa surface :
– le navigateur perché en haut de son grand mât aperçoit le premier la côte lointaine ;
– l’observateur en haut d’une falaise voit plus longtemps le vaisseau qui s’éloigne vers l’horizon que celui resté sur la plage ;
– l’étoile polaire n’a pas la même hauteur au-dessus de l’horizon en Grèce qu’en Egypte ;
– enfin, lors des éclipses de Lune, l’ombre de la Terre se projetant sur la Lune révèle une section circulaire.
Persuadé que la Terre est sphérique, il va tracer sa célèbre figure géométrique « éblouissante de simplicité », laquelle va lui permettre de calculer facilement la longueur du méridien terrestre :Si la Terre est sphérique, en prolongeant la verticale d’Alexandrie (l’obélisque) et celle de Syène (le puits), ces deux verticales vont se rejoindre par définition au centre de la Terre. D’autre part, Ératosthène sait que la ville de Syène (Assouan) étant située droit vers le sud par rapport à Alexandrie, les deux villes sont à peu près situées sur le même méridien. Les rayons solaires étant effectivement parallèles, l’angle formé par les deux verticales au centre de la Terre est donc identique à celui qu’il a mesuré grâce à l’ombre de l’obélisque (7,2°).
La proportion de cet angle en regard des 360° du cercle est la même que celle de la distance séparant les deux villes (à peu près 800 km) par rapport à la circonférence du cercle (ici, le méridien terrestre). Vous devinez la suite : 360° divisé par 7,2° donne 50, et 800 km que multiplie 50 fait bien 40 000 km (longueur que l’on a retrouvée ultérieurement par d’autres procédés).
L’adaptation pour les classes
Les classes travaillent en binômes, leur position sur la Terre est connue. Pour elles, pas besoin d’obélisque ou de puits : un simple bâton vertical (gnomon) suffit de part et d’autre, d’une hauteur identique de préférence pour simplifier les comparaisons de relevés d’ombre. Il n’y a pas non plus besoin pour les classes d’attendre le jour du Solstice d’Été pour réaliser la mesure, le tout étant de le faire le même jour (ou à un jour près), mais ce jour est spécial, historiquement. Les résultats des mesures de part à d’autre son mis en commun… et le calcul peut être réalisé !
Exemple avec deux classes situées à Lafrançaise (France) et Meerut (Inde) :
– Lafrançaise: latitude 44°08’N, longitude 1°15’E
– Meerut, latitude 29°00’N, longitude 77°42’E
Ces relevés ont permis aux enfants d’évaluer avec la précision d’un demi-degré, l’angle des rayons du Soleil lors du midi solaire local, à partir d’un tracé géométrique très simple. Pour Lafrançaise ils trouvent alpha 1 = 58.5°. Pour Meerut alpha 2 = 43.5°. Comment, à partir de ces deux angles, évaluer le fameux angle alpha d’Eratosthène ? Il suffit de soustraire l’angle alpha 2 de l’angle alpha 1, ce qui donne 15°.
Puisque les deux écoles partenaires ne sont pas situées sur le même méridien, il faut déterminer ensuite la distance la plus courte entre le parallèle de Lafrançaise et le parallèle de Meerut. C’est très simple : sur une carte, on trace soigneusement les deux parallèles et, en utilisant l’échelle de la carte, on évalue leur écartement. Ici, la valeur trouvée avoisine les 1670 km.
Nous avons maintenant les deux éléments nécessaires pour le calcul du méridien terrestre selon la « méthode Ératosthène »: l’angle alpha de 15° et la distance de 1670 km entre les deux parallèles. La proportion du cercle entier par rapport aux 15° trouvés étant de 24 fois (360° divisé par 15°), le calcul du méridien se fait en multipliant 1670 km par 24, ce qui fait bien 40 080 km…. Méthode efficace, à condition que les mesures soient les plus précises possibles (surtout si les latitudes sont plus rapprochées !).
L’événement des 21 et 22 juin 2019
Vendredi et samedi derniers, les 21 et 22 juin, la Bibliothèque d’Alexandrie (Egypte) qui coordonne le suivi de ce projet conçu avec la Fondation La main à la pâte a organisé un événement d’ampleur à l’occasion du Solstice d’Été, au magnifique Centre des Sciences du Planétarium. Ces mesures s’inscrivent également dans le cadre du programme eTwinning. Au menu de cet événement coordonné par Zeinab Ahmed, entre autres :
- Une pièce de théâtre en un acte, sur la vie d’Ératosthène
- Une présentation de sa méthode de mesure de la circonférence de la Terre
- La prise des mesures à l’aide du gnomon, et la mise en commun avec les mêmes mesures prises la veille à Assouan ainsi que dans de nombreuses écoles et collèges, en Egypte et dans le monde entier.
450 élèves étaient impliqués au total en Egypte, ainsi que 14 classes dans le monde entier, de l’Inde à la Colombie.
>> Cliquez sur la carte ci-contre pour les localiser.
Un grand bravo à tous les partenaires, et surtout tous les professeurs et élèves impliqués dans ce projet ! Consultez ici le compte-rendu complet de cet événement !
Mise à jour !
Cette année 2020, en raison de la crise du #COVID-19, les festivités et mesures du projet Eratosthene auront lieu demain 18 juin sous la forme d’un événement numérique en live ! 12 classes d’Europe et d’Amérique du Sud prendront leurs mesures en parallèle pour mesurer le tour de la Terre ! A suivre à partir de 9am UTC sur https://www.facebook.com/BAPSC/
A bientôt sur Labmap, et surtout… restez curieux !